Le Bleuet : Différentes espèces.
Mais attention, n’est pas bleuet qui veut !
Il faut impérativement différencier le Vaccinium angustifoltium des autres Vaccinii de ce monde, à commencer par sa cousine européenne, la myrtille. Si leur continentalité et leur coloration (plus dense chez la myrtille) les différencient, bien hasardeux serait le jeu de comparer leurs vertus et leur goût respectifs. Le bleuet du nord-est de l’Amérique est sûrement comparable à d’autres baies de Scandinavie ou même de Russie, mais l’on semble être tout particulièrement (et amoureusement) affecté par ses bleus aux confins des régions du Saguenay et du Lac Saint Jean.
A l’instar des vieux pays, les boisés du Nouveau Monde regorgent, eux aussi, d’airelles de toutes sortes, et il convient de départager le bleuet nain sauvage, le sujet de cet article, des autres bleuets exploités commercialement, dont le bleuet en corymbe (ou bleuet géant) et le bleuet rabbit eye (plus méridional). S’il est plus ardu à récolter, à cause de sa petitesse et de sa conséquente fragilité, il se reprend en étant le plus naturellement sucré, et prétendument, le plus bénéfique pour la santé.
Le Bleuet : Champion thérapeutique !
L’analyse chimique de la petite perle bleue dévoile la présence, dans son pigment, d’anthocyane, le même type d’antioxydant retrouvé dans le raisin, mais cette fois en quantité record. Il n’en faut pas plus pour que les producteurs de bleuets proclament, à grand renfort de promotion et de marketing comme étant champion des antioxydants toutes catégories confondues !
La liste des vertus physiologiques et thérapeutiques, confirmées ou non, des différentes composantes du bleuetier (fruit, fleur, feuille et racine) se lit tel le curriculum vitae d’un combattant surdoué : antidiabétique, laxatif ou anti-diarrhéique, protection vasculaire, prévention contre le cancer, les maladies dégénératives et les troubles ophtalmiques. Remarquez que les bleuets sont composés à 85% d’eau et contiennent très peu de calories et de sucre. Par contre, la vitamine C et le potassium sont les principaux minéraux et vitamines apportés par les bleuets.
Le Bleuet : du sauvage à l’assiette.
Le bleuet est cousin de la myrtille et appartenait aux traditions culinaires et médicinales amérindiennes bien avant de rentrer dans celle des Québécois. Il existe une trentaine de variétés de bleuets, poussant sur des plants de trente centimètres jusqu’à cinq mètres. Malgré sa taille toute modeste, le bleuet est au Québec bien des choses à la fois : un fruit sauvage bien sûr, mais également un plaisir estival, une dénomination sociale, peut-être même une panacée, si l’on en croit les rumeurs médicinales qui courent à son sujet.
Sa renommée dépasse les frontières agroalimentaires, se fondant allègrement dans les recoins les plus inusités de la culture québécoise.
Le bleuet, la perle bleue du Québec
S’il semble si hardi, serait-ce peut-être parce que le bleuet naît, d’une certaine manière, dans le feu de l’action ? En effet, le plant du bleuetier nain trouve un malin plaisir à apparaître, plus souvent qu’à son tour, dans les sols des brûlis de la forêt boréale. C’est ainsi qu’on expliquerait la notoriété des tailles de bleuets du Saguenay et du Lac Saint Jean, des régions, qui de toutes les époques, auront guerroyé bien des incendies dévastateurs.
On attribue d’ailleurs la genèse de la récolte systématique du bleuet au Québec au grand feu de 1870 qui faillit raser la ville de Roberval. De nos jours, la cohabitation avec les intérêts non négligeables d’une autre industrie – forestière pour ne pas la nommer – est incidemment au cœur de bien des pourparlers administratifs.
Quelques chiffres : en 2006 on atteint une production québécoise record du bleuet avec près de 31700 tonnes, dont 30000 pour le seul Saguenay Lac Saint Jean. Un tiers environ provient de la taïga, des forêts et tourbières ; et le reste de quelques 258 bleuetières organisées de la région.
Le Bleuet : Baie de fierté.
Qu’importe les difficultés de culture, de gestion ou encore de récolte du bleuet – où l’automatisation n’arrive pas à supplanter la minutie éreintante de la cueillette manuelle – les vaillants habitants du Lac n’ont pas hésité à s’approprier l’identité de leur manne bleue, au point de s’offrir un officieux mais coloré gentilé : « Bleuets ».
A Dolbeau Mistassini, on s’autoproclame « capitale mondiale du bleuet » même si dans les faits, c’est l’état du Maine aux Etats-Unis qui alimente la moitié de la demande globale du bleuet. Mais n’allez pas trop claironner la chose en plein milieu de son bruyant festival du mois d’août, déjà vieux de quarante quatre ans, et où l’on se délecte de toutes concoctions égayées de l’airelle vénielle. Ce serait là faire un « bleuet » sur votre napperon d’accueil …
Un mariage sous de divins auspices
Si la ferveur religieuse n’est plus ce qu’elle était au Québec, la ferveur gastronomique rameute bien des fidèles autour des abbayes de la province !
Pendant qu’un savoir-faire fromager établit la notoriété des monastères d’Oka (Laurentides) et de Saint Benoît du Lac (Cantons de l’Est) ; les pères trappistes de Dolbeau Mistassini affichent plutôt leur penchant pour la chose sucrée, et leur confiserie, démarrée dans les années quarante, fait la part belle au bleuet emblématique de la région. De l’union solidifiée d’un chocolat noir (d’origine canadienne, un peu plus sucré, qu’un chocolat belge) et de la baie bleue (fraîche plutôt que déshydratée comme pour d’autres friandises moins fines), on produit en quantité limitée le contenu des fameuses boîtes arborant la dénomination des Pères Trappistes. Éphémère comme la courte saison de récolte, c’est la gâterie que l’on (se) rapporte d’un pèlerinage au royaume du bleuet.
Les Amérindiens utilisaient le bleuet pour sucrer leurs mets. On le faisait cuire avec du maïs durant l’hiver ou on le faisait bouillir avec de la graisse d’orignal. Les Algonquins en faisaient de la pâte de fruits ou le mangeaient avec du pemmican. Les Micmacs extrayaient le jus de bleuet. Aujourd’hui encore, les Inuit les mangent avec des oeufs de poisson, de la graisse de phoque et du sucre, ou encore ils les mélangent avec de l’oseille et du blanc de baleine. Á moins qu’ils ne les servent avec de la nageoire de phoque marinée … En tartes, confitures de bleuet, gelées, jus … dans des muffins ou tout simplement sur du fromage blanc. Le bleuet est un petit fruit délicieux et plein de ressources.